samedi 3 septembre 2011

Sarah M.

Aujourd'hui je vais vous parler de Sarah M.

Sarah M. c'est une jeune femme qui s'accepte un peu, et qui pense beaucoup. Elle s'accommode mal aux règles vestimentaires imposées. Le tailleur jupe passe encore ; mais la chemise blanche elle déteste. Pire, lorsqu'elle s'attache les cheveux, elle ne voit plus que ses oreilles, qui dépassent un peu, et aussi d'autres traits grossis sur son visage dégagé. Elle se sent enchaînée, dévoilée sous son mauvais jour et voit son charme déserter. Ses cheveux, c'est un peu tout ce qu'elle a pour plaire, qu'elle songe. Alors elle use du mascara et de ses autres fards ombrés. Une chance que la couleur des yeux ne change pas ; le bleu fait très cliché mais demeure la vedette. Dans sa jupe satinée elle assume son 40 et se sent femme un peu.
Sarah M. travaille pour une agence réputée ; elle subit les escarpins douloureux et les clients mal éduqués. A son poste elle est entourée d'hommes élégants, certains trop silencieux et d'autres trop charmants. Elle est aussi la plus jeune de l'équipe et se sent seule un court moment ; comment obtenir de l'estime quand on n'a pas vingt ans. Mais très vite un sourire s'affiche et des mots font surface ; Sarah M. se détend et se défait de sa carapace.
Sarah M. a perdu la foi dans le plus beau des domaines. Elle se pense libérée d'un poids, d'une passion toujours vaine. Mais quand son collègue T. la regarde et se retourne encore, les idées fusent et son cœur cogne une fois. Quand il s'approche pour la connaître un peu, elle veut croire à des formalités et répond sobrement, sans trop de façons – et c'est à peine si elle lui retourne les questions. Quand il lui fait Bouh par derrière alors qu'elle converse avec l'autre, elle cligne des yeux et ne sait pas s'il y a autre chose – à quoi bon, midi et demie est pour bientôt.
Quand Sarah M. rentre chez elle, elle repense au contact bref, aux quelques rires échangés. Il est peut-être trop tard maintenant pour s'en soucier. Dans son ventre des papillons prennent leur envol et disparaissent lentement ; touts petits et discrets : les mêmes qu'à ses treize ans.
Sarah M. jette son linge au sol et se change en elle-même. Elle relâche ses cheveux et s'examine dans la glace. Elle soupire et va se coucher, piétinant son badge au passage, qui traîne par terre.
Ce pauvre badge volé ; une autre identité, futile et éphémère, au prénom emprunté.
Crédits photos : *

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