dimanche 18 septembre 2011

Les adultes, ces grands enfants

Pendant que la génération 90's côtoie la vingtaine et n'a de cesse de parler permis, appart et finances, les procréateurs des grands hommes de demain font la gueule à la cinquantaine qui se pointe. Non contents des rides apparentes et du poil blanc sur le crâne comme ailleurs – il est vu que l'on vieillit de partout – l'adulte lambda semble mal assumer cette montée vers un âge plus sage et ses attitudes s'en ressentent. Quelqu'un m'a dit il n'y a pas longtemps que vers vingt ans en moyenne, l'on acquiert une certaine maturité que nos géniteurs semblent perdre au fur et à mesure qu'approche leur demi-siècle d'existence ; c'est du moins ce que j'ai conclu du fatidique mais on ne peut plus évident « l'on devient parent de ses parents. »
Si pendant l'enfance ils étaient nos seuls modèles sur Terre (si l'on exclue Action Man et Britney Spears), c'est d'abord l'ado rebelle puis le jeune adulte pensant que l'on devient qui se met vite à agir et réfléchir dans un sens contraire au leur – ce n'est pas tant le choc des générations qui s'opère, mais surtout une jalousie malsaine que le bientôt vieux n'avoue pas et que le presque adulte ignore non sans un soupir égaré.
La crise du début de vieillesse est facilement reconnaissable. Elle varie selon les cas, mais se reconnaît souvent à plusieurs détails notoires dans l'attitude des concernés. Souvent divorcé, célibataire ou récemment en couple, l'adulte a quarante-six ans et se découvre une âme de fêtard invétéré. Il écume les bars, les concerts de hard ou les clubs parisiens. Se fait draguer, cherche à plaire, paie sa tournée. Chaque weekend, et même en semaine, c'est apéro, puis resto, et plus encore si l'on est chaud. Un décalage certain mais néanmoins légitime ; se la jouer mamie à cinquante piges, ça la fout mal. Donc on adhère, mais en observant de loin – évitons la cuite familiale au possible.
En sus des sorties répétées s'additionnent un inconditionnel goût du drame et des portes claquées. Dans la mesure où le domicile parental est encore nôtre faute de moyens suffisants, une vaisselle oubliée ou deux miettes sur la moquette deviennent de véritables sujets de tragédies modernes. Et pour cause, l'adulte a découvert Facebook et se détourne des tâches ménagères. Les notifs battent l'aspirateur en terme de popularité, et le géniteur s'extasie d'un Lol ;-))) sur une caricature de Sarkozy. Conséquence ? On se sent beau gosse de faire les carreaux une fois par semaine, quand l'adulte chiale sa fatigue et demande reconnaissance au moindre meuble épousseté.
Et outre la pièce de vie en bordel, le plus petit coup de pompe se mute en dépression à tendance suicidaire. Si les plus sages ne sont qu'un peu plus émotifs, les plus délurés auront tendance à tout dramatiser. Un coup de téléphone manqué comme de la paperasse à gérer, rien dans la tête de l'adulte stressé ne ressort d'une oreille avec une once de raison ; l'insignifiant devient grave quand le plus urgent est mis de côté. Résultat des courses : factures impayées, collection de messages vocaux et trente-six mégots dans le cendrier. Et bien, c'est du propre, que dirait Mamie.
Grossièrement, nos parents ont quinze ans.
La question à se poser, toute facile, toute simple, évidente... Pourquoi ?
Il n'y a qu'à observer nos propres habitudes. Selon les humeurs et les envies, les coutumes de la vingtaine varient mais se rapprochent les unes des autres. On étudie, on bosse, on sort, on boit, on baise. Rien de bien surprenant jusqu'ici, au détail près que l'on peut tout faire en assurant le lendemain au bureau, à la fac ; au boulot. Rien n'arrête le jeune adulte qui jouit de son indépendance néanmoins partielle, il dévale les escaliers de métro, enchaîne deux amphis sur la reproduction intracellulaire de micro-organismes puis file boire un verre avec copain 1 et copain 2 dans cet irish bar tellement hype dans lequel il démarre son service le quart d'heure suivant. Et quand il rentre, il a encore le temps d'écrire un article pour son blog, deux trois conneries sur Twitter et de liker des photos sur Facebook. Le jeune est surpuissant, le jeune est invincible. Et pour cause, il dort six heures par nuit, et tient toujours le coup quand son père en a besoin de dix.
La conclusion est alors évidente : le parent est, et de façon légitime, tout simplement jaloux.
Jaloux d'une beauté encore fraîche, d'un optimisme déconcertant et d'une ingéniosité sans faille ; alors qu'ils commencent à applaudir nos actions, ils réalisent avec horreur que eux ne sont plus dans le coup. Se développe alors chez eux un complexe d'autorité assez pénible et des plus agaçants, où la réflexion sur l'écharpe oubliée en hiver ou les cheveux trop longs en été ne cessent de frapper. A côté, les moins grognons tenteront de sympathiser avec le jeune et d'entrer dans son cercle si « branché » ; défilent alors gros beaufs et vieux cougars en mal de fraîcheur. Pas des plus glorieux, selon les cas.
Sur ces visions un brin pathétiques de l'homme qui ne veut pas vieillir, le jeune continue sur sa lancée, tout beau tout fringuant qu'il est, résistant à la fatigue et aux premiers coups durs avec pour seule plainte un soupir effacé par un sourire. Le secret, c'est qu'il y a des choses auxquelles il n'ose pas songer. Une question qui l'effleure un instant, mais qu'il ne se pose pas. Il y répond parfois, de lui-même, dans un idéal un peu cliché mais sans vraiment y croire. Au vu des exemples sous ses yeux, il craint souvent de se tromper, et de devoir l'encaisser. Ce passage de l'existence où il s'est proscris d'échouer, pour éviter le ridicule et rester digne dans le temps. « On sera comment, nous, dans vingt ans ? »


1 commentaire:

  1. Brillant.
    C'est marrant, ça me rappelle une certaine conversation, il y a pas si longtemps...;)

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