mercredi 22 février 2012

All is vanity



Charles Allan Guilbert, illustrateur américain, réalise en 1892 à seulement dix-huit ans un dessin qu'il nomme All is vanity, qui demeura par ailleurs l'œuvre la plus célèbre qu'on lui connaisse. Le dessin en question représente une femme face au miroir de sa coiffeuse, qui de toute évidence semble prendre soin de son apparence au vu des poudres et autres flacons placés devant elle ; au deuxième regard apparaît la représentation d'un crâne constitué par son miroir, son visage et son propre reflet.
Le fait est que j'ai découvert ce dessin tout à fait par hasard, au cours d'une de mes balades quotidiennes sur Internet, où je demeure constamment en recherche de nouvelles inspirations et découvertes artistiques. Il est intéressant de préciser avant toute chose, que l'image m'est d'abord apparue en miniature et non dans sa taille normale, aussi le crâne formé par les composants du dessin s'est tout de suite affiché à mes yeux d'une manière tout à fait évidente. Habituellement plus sensible au travail des couleurs, le noir et blanc dans ce cas précis m'a immédiatement frappée par son adéquation parfaite à l'idée que l'artiste tend à véhiculer. Au vu de l'époque du dessin et du crâne formé au centre, l'absence de couleur se rattache fortement à l'idée de mort et surtout de passé que l'œuvre dégage à notre époque, où les vêtements portés par le sujet ainsi que son mobilier ne sont plus d'actualité ; ceci demeure cependant un moindre détail plutôt subjectif, compte tenu de mon intérêt pour ce qui se rapporte à l'ancien et aux époques antérieures à la nôtre.
Ce qui vient essentiellement me toucher dans cette représentation tout à fait étonnante, c'est précisément le double-sens du mot « vanity » que l'artiste met en scène à travers sa composition. Étant de base fort attirée par l'art baroque, je retrouve dans l'œuvre de Gilbert cette idée de vanité de l'existence que l'on retrouve dans nombre de représentations du même courant artistique. En l'occurrence, l'idée de beauté est ici assimilée à quelque chose de tout à fait vain : en effet, le crâne formé par la jeune femme et son miroir donne à penser que rien ne sert de s'admirer ou de prendre soin de soi avec attention, dans la mesure où la mort attend chaque individu à un moment donné de son existence. Le mot « vanity » également employé en français vient donc définir aussi bien la vanité qu'a un individu à se plaire et à le faire savoir, tout comme la nature de l'œuvre réalisée qui cherche à véhiculer une idée tout à fait baroque où la vanité est le plus souvent représentative d'une vision particulièrement réaliste de l'existence et de l'inexorable mortalité qui en découle.
Le fait que cette œuvre vient me toucher par son caractère baroque et mortuaire est sans nul doute relié à ma fascination pour tout ce qui a attrait au funèbre et à l'inexpliqué. Le fait est, surtout, que je vais mourir. Je vis dans une angoisse constante que ma jeunesse s'envole plus vite qu'elle ne le devrait, dans une peur incessante que la vieillesse s'empare de ma santé et surtout de mes traits ; dans la frayeur que la mort arrive trop tôt, comme un souffle glacial sur un visage qui n'a plus lieu d'être ; ce même visage que je m'efforce d'embellir, dans un souci vain de perfection impossible. Tous les matins, je me regarde dans le miroir ; tous les matins, je maquille mes joues et souligne mes yeux, je parfume ma peau, je coiffe mes cheveux. Et dans soixante ans au moins, ou qui sait peut-être demain, j'aurai le visage froid et creusé, le corps pourrissant sous terre, le rose des joues troué et putréfié, dévoré par les vers. Une seule et unique parure pour un sommeil éternel, une peau gelée par le décès et pareille au linceul : d'un blanc exsangue, teint cadavre d'un corps qui n'est plus. Voilà pourquoi cette œuvre me plaît tout comme elle me donne le frisson. Cette femme c'est celle qui en tant que telle cherche à plaire, qui tente le tout pour la perfection et se sentir belle. Cette femme même qui se rassure face à elle-même, balayant la certitude mortuaire qui la ronge de toute part, et déguisant la charogne qui se cache sous les fards. Cette femme, quelque part, dans ses beaux atours ; c'est moi.

6 commentaires:

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  3. Je dois faire une recherche sur ce tableau, et ce site m'a aidé à la réaliser. Ce que je trouve dommage, c'est qu'il a trop d'avis personnel et pas assez d'analyse sur le tableau en lui-même :)

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    1. Le texte n'a pas été réalisé dans le cadre d'une étude formelle et descriptive mais bien dans une volonté d'expression personnelle. Je n'ai pas cherché à décortiquer le tableau ni à en faire une critique ; son rôle ici n'est justifié que par l'inspiration que j'y ai trouvé et qui vient faire écho à mes propres états d'âme. Bref, ne te porte pas trop sur l'article dans le cadre d'une recherche, tout ce qui est écrit là est personnel et tout à fait subjectif ;)

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  4. Je suis étudiante en histoire de l'art et je dois faire un commentaire d'oeuvre sur ce tableau. ton étude m'aide beaucoup comme je suis en première année je n'ai encore jamais fais ce genre de commentaire. Mais connais tu les dimensions de l'oeuvre et son lieu de conservation par pur hasard ?

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  5. Les dimention de l’œuvre ?
    Le lieu d'exposition ou de conservation?

    Merci ;)

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