lundi 5 mars 2012

La retombée

Tu la connais la salope. Elle est toujours là sur ton dos, et elle appuie pour te bousiller l'échine. Elle revient toujours à cet instant précis où tu t'es bien enivrée, de manière assez poussée pour te faire croire à la simplicité. Tu la prévois quand tu te sens bien, quand tu te sens belle, quand on te désire, quand tu te mets à rire, et à danser sans même y penser. Regarde hier t'étais dans sa bouche, tu pouvais faire la pute pour un regard tant c'était léger ; tu t'en foutais, tu parlais qu'à peine. C'était pas le but, de l'intéresser lui. Regarde mieux encore, hier t'étais dans ses bras, à lui, un autre, celui qui pouvait compter ; t'as voulu y goûter un peu et maintenant c'est toi qui t'en prends plein la face. Apparemment t'aurais pas dû mais t'en avais bien envie. Faut être deux tu me diras, n'empêche que t'es toute seule à morfler. T'as rien fait mais c'est de ta faute. T'as peut-être mal cadré ta main, ou ton menton était trop long ; lui seul te le diras, s'il daigne se pointer en bas de chez toi. Dans la bagnole de son reup, une dernière fois.
Le fait est que la retombée tu la sens bien, elle te baise comme une chienne même si t'en veux pas, elle vient tout pourrir pour tirer un bon coup, se faire plais' sur ta belle gueule qu'elle gifle un peu au passage. S'ensuit la bouffe qui devient moins fun et ton humeur qui se la joue oisive ; tu veux plus rien foutre tant la haine des jours te mâche les petits plaisirs. Tu restes tranquille car tu sais que ça passera, dans deux semaines, d'ici là... Tu fumes un peu, dans des chambres et dans la rue, et tu te lèves quand même, il faut bien bouger pour que toute cette merde mue. En attendant tu te sens vulgaire, quand tu chuchotes t'es grossière ; t'écris sans trop penser à tes mots, t'as juste envie de cracher un peu, beaucoup, pour avoir la dent plus saine et l'haleine rafraîchie. Car t'as encore un peu de douceur séchée qui se veut amère sur les papilles, qui forme une boule dans la gorge et qui t'empêche d'avaler. Et ça te donne la gerbe, quand vainement tu songes à tout racler.
Photo : Robert Harper

mercredi 22 février 2012

All is vanity



Charles Allan Guilbert, illustrateur américain, réalise en 1892 à seulement dix-huit ans un dessin qu'il nomme All is vanity, qui demeura par ailleurs l'œuvre la plus célèbre qu'on lui connaisse. Le dessin en question représente une femme face au miroir de sa coiffeuse, qui de toute évidence semble prendre soin de son apparence au vu des poudres et autres flacons placés devant elle ; au deuxième regard apparaît la représentation d'un crâne constitué par son miroir, son visage et son propre reflet.
Le fait est que j'ai découvert ce dessin tout à fait par hasard, au cours d'une de mes balades quotidiennes sur Internet, où je demeure constamment en recherche de nouvelles inspirations et découvertes artistiques. Il est intéressant de préciser avant toute chose, que l'image m'est d'abord apparue en miniature et non dans sa taille normale, aussi le crâne formé par les composants du dessin s'est tout de suite affiché à mes yeux d'une manière tout à fait évidente. Habituellement plus sensible au travail des couleurs, le noir et blanc dans ce cas précis m'a immédiatement frappée par son adéquation parfaite à l'idée que l'artiste tend à véhiculer. Au vu de l'époque du dessin et du crâne formé au centre, l'absence de couleur se rattache fortement à l'idée de mort et surtout de passé que l'œuvre dégage à notre époque, où les vêtements portés par le sujet ainsi que son mobilier ne sont plus d'actualité ; ceci demeure cependant un moindre détail plutôt subjectif, compte tenu de mon intérêt pour ce qui se rapporte à l'ancien et aux époques antérieures à la nôtre.
Ce qui vient essentiellement me toucher dans cette représentation tout à fait étonnante, c'est précisément le double-sens du mot « vanity » que l'artiste met en scène à travers sa composition. Étant de base fort attirée par l'art baroque, je retrouve dans l'œuvre de Gilbert cette idée de vanité de l'existence que l'on retrouve dans nombre de représentations du même courant artistique. En l'occurrence, l'idée de beauté est ici assimilée à quelque chose de tout à fait vain : en effet, le crâne formé par la jeune femme et son miroir donne à penser que rien ne sert de s'admirer ou de prendre soin de soi avec attention, dans la mesure où la mort attend chaque individu à un moment donné de son existence. Le mot « vanity » également employé en français vient donc définir aussi bien la vanité qu'a un individu à se plaire et à le faire savoir, tout comme la nature de l'œuvre réalisée qui cherche à véhiculer une idée tout à fait baroque où la vanité est le plus souvent représentative d'une vision particulièrement réaliste de l'existence et de l'inexorable mortalité qui en découle.
Le fait que cette œuvre vient me toucher par son caractère baroque et mortuaire est sans nul doute relié à ma fascination pour tout ce qui a attrait au funèbre et à l'inexpliqué. Le fait est, surtout, que je vais mourir. Je vis dans une angoisse constante que ma jeunesse s'envole plus vite qu'elle ne le devrait, dans une peur incessante que la vieillesse s'empare de ma santé et surtout de mes traits ; dans la frayeur que la mort arrive trop tôt, comme un souffle glacial sur un visage qui n'a plus lieu d'être ; ce même visage que je m'efforce d'embellir, dans un souci vain de perfection impossible. Tous les matins, je me regarde dans le miroir ; tous les matins, je maquille mes joues et souligne mes yeux, je parfume ma peau, je coiffe mes cheveux. Et dans soixante ans au moins, ou qui sait peut-être demain, j'aurai le visage froid et creusé, le corps pourrissant sous terre, le rose des joues troué et putréfié, dévoré par les vers. Une seule et unique parure pour un sommeil éternel, une peau gelée par le décès et pareille au linceul : d'un blanc exsangue, teint cadavre d'un corps qui n'est plus. Voilà pourquoi cette œuvre me plaît tout comme elle me donne le frisson. Cette femme c'est celle qui en tant que telle cherche à plaire, qui tente le tout pour la perfection et se sentir belle. Cette femme même qui se rassure face à elle-même, balayant la certitude mortuaire qui la ronge de toute part, et déguisant la charogne qui se cache sous les fards. Cette femme, quelque part, dans ses beaux atours ; c'est moi.

jeudi 19 janvier 2012

Toute nue

La nudité. C'est un sujet qui peuple énormément mes inspirations, et qui a souvent donné naissance à nombre de questions, de doutes, de complexes, et de maux comme de plaisirs variés. Plus jeune, je ne me souviens pas avoir connu quelque malaise ingérable quant à la vision d'un corps nu, à commencer par celui de ma mère, ou même celui de mon père. La curiosité a toujours été pour ma part un véritable moteur pour l'ambition et le désir de connaissance, envers le moindre sujet qui attirait assez mon attention. Je me souviens avoir fantasmé sur des corps superbes que je voyais dans des films, habillés puis dévêtus, des héroïnes à l'âme si bien ficelée que s'offre à vos yeux l'idée même de la femme parfaite. Ces femmes, je voulais être elles, avoir leurs formes, jouir de leur beauté à titre personnel, pouvoir me vanter de me plaire et de réaliser à quel point les autres aiment ça. Personnellement, c'est en cours d'apprentissage, mais là n'est pas le sujet.

Le sujet, voyez-vous, m'est venu en tête suite à cette récente et soudaine polémique survenue sur mon Pinterest, quant à mon post d'une photographie de nu. Mon coup de cœur pour cette photographie ne peut pas s'expliquer de façon précise. Le fait d'aimer quelque chose ne devrait pas toujours avoir à être prouvé par une formule type ou une explication formelle. Je l'aime parce qu'elle me parle, elle me touche, par sa lumière et ses couleurs, par la beauté du corps mis en scène, libre parce que dévêtu, libre de montrer sa beauté, parce que nu. Cette femme c'est une héroïne à elle seule, sa beauté n'a pas à être prouvée. Elle est ressentie par celui qui la regarde, ou ignorée par celui qui trouve mieux ailleurs. Mais ce dont je souhaite discuter n'approche en rien la question des goûts et des couleurs, si vaste et déjà tellement débattue. Je souhaite surtout parler d'éthique, et du concept de morale que certaines m'ont reproché de bafouer en exposant sur un site public une telle représentation artistique.

Les commentaires affluent et les reproches se multiplient. Pour ceux qui ne comprendraient pas l'anglais, la plupart dénoncent le fait qu'une telle photo, par sa nudité, n'a aucunement sa place sur une banque d'images en ligne telle que Pinterest. Premièrement, car l'innocence de leurs enfants pourrait s'en trouver fort touchée et ce de manière tout à fait inappropriée - sous-entendant bien sûr, que leurs enfants pourraient sans problème épier leurs faits et gestes sur la toile derrière leur dos. Deuxièmement, car le site n'accepterait pas la nudité mise en scène, sous quelque forme qu'elle soit. Troisièmement, parce qu'elle pourrait choquer certaines âmes sensibles, voguant sur le site de façon tout à fait nonchalante et sans intention première de se trouver face à l'exposition d'un corps. Les conséquences, à les lire, seraient désastreuses et laisser cette image en ligne serait fort égoïste et impudent de ma part.

Seulement voilà, il n'est pas question que je retire cette photographie, de ma banque d'images qui plus est, où comme de bonnes âmes tendent à le préciser, l'on ne force personne à venir y jeter un œil. Ce qui me révolte, outre le fait que ces charmantes personnes ne semblent rien trouver de mieux à faire que de débattre pour si peu, c'est de constater l'ampleur que cela semble prendre pour elles que de se retrouver face à un corps nu, féminin qui plus est et ainsi sensiblement apparenté au leur. Parce que je ne serai pas mauvaise langue, je mettrais de côté l'aigreur et la jalousie qui sont pourtant souvent les sources premières des esprits fermés. D'où la nécessité, petite parenthèse, de s'accepter et d'arriver à s'aimer, pour ne pas trouver à reprocher chez l'autre ce que l'on regrette de ne pas avoir chez soi ; ceci étant dit, parenthèse fermée.

Le plus révoltant à mon sens, est de voir l'aberration de ces femmes qui apparentent le corps nu à une vision vulgaire et sale de la femme dévêtue, ce qui serait à leur sens une évidence et le danger dénoncé concernant leurs enfants. Il est triste de faire le constat d'une telle façon de penser. Dans l'esprit de ces femmes, la formule suivante semble être la seule et unique possible dans l'esprit des autres, une logique universelle à laquelle ceux ne s'y pliant pas ne sont que rebelles peu convenables désireux de changer la donne.

CORPS → SEXE → SALE

Je ne chercherai pas à nier la totalité de leur raisonnement. Il est vrai que selon son usage et la situation dans laquelle il s'inscrit, le corps n'a pas toujours matière à être montré à n'importe qui. Je comprends et respecte le désir de protection qu'une mère a envers son enfant quant à ce sujet. Ce que je ne conçois pas, c'est qu'une telle photographie soit analysée comme tel. Comme je l'ai précisé dans un commentaire, à mon sens cette photo ne dégage rien de sexuel à proprement parler. Sur cette photo, la femme n'a rien de lubrique, elle est juste nue. Mais oui, d'une certaine façon, la nudité s'apparente au sexe, par l'excitation des sens qu'il peut provoquer. Est-il pour autant dangereux d'en faire l'expérience ? A mon sens, n'importe quelle représentation du beau a matière à nous stimuler l'esprit, puis nous fait éprouver le désir de l'exprimer à travers les mots, à travers les arts ; ou à travers le corps. Et quand bien même, la nudité d'un corps devrait être appréciée à sa juste valeur et selon nos prédilections personnelles. Un corps nu, qu'il soit mince ou qu'il soit gros, représenté de telle manière est synonyme de vie, de liberté, et d'amour de soi ; de beauté. Chaque chose a son bon et son mauvais côté ; je m'efforce à travers cet article, de démontrer la beauté du corps nu comme de célèbres hommes de lettres ont pu le faire avant moi, et de bien meilleure manière.

Le corps nu n'est autre à mon sens, s'il est bien mis en scène, qu'une belle image de la nature et de ses merveilles. Si le corps nu doit être relié à l'acte sexuel, il l'est pour ma part par sa dimension tendre et amoureuse, que celles qui me portent accusation ne semblent pas bien cerner. Par rapport au réquisitoire précédemment énoncé par trois points, je pense m'être assez défendue. J'ajouterai cependant que leurs enfants ne pourraient à mon sens pas trouver matière à être choqués, ou même dégoûtés, mais pourraient en effet trouver là de quoi attiser leur curiosité. Une autre bonne âme affirme même dans un commentaire, que de confronter un enfant à une telle photo aurait plus tendance à s'avouer bénéfique et instructif plutôt que de le laisser sans réponse face à des images plus délicates qui échapperaient à la vigilance de leurs parents (car on ne pourra le nier, elles leur échappent un jour ou l'autre.) Ensuite, m'est avis que si le site Pinterest ne tolère pas des images de "nudité", ce n'est pas qu'il ne tolère pas la nudité en elle-même mais la dimension pornographique qui s'y rattache dans certaines circonstances. Or, le nu de cette représentation artistique n'a rien de pornographique ; encore une fois, les esprits trop avisés se méprennent. Si un site voué à l'art tel que Pinterest n'accepte pas le nu sous quelque forme qu'il soit, il se refuse ainsi à la Vénus de Milo, de Cabanel, ou encore de Titien, dont la dimension sexuelle est hautement plus évidente et ostentatoire que sur la photo victime d'autant d'accusations illégitimes.

Pour ce qui est du reste, Internet est une zone libre et Pinterest n'envoie aucun spam ; nul n'est forcé de rester chez moi si le contenu vient à lui déplaire.

C'était la conclusion de l'enfant bornée qui aime avoir raison.

Rideau.