mardi 26 juillet 2011

Le trou dans la frange


Il y a quatre ans, je me sentais mal dans mes cheveux. Alors j'ai refait une frange, la même qu'à mes onze ans. Droite, fournie, imposante. Blonde. Il fallait cacher ce front immense, me redimensionner la face et me donner de l'allure - même si à l'époque, porter des sarouels me paraissait trop hype. J'aspirais à un renouveau facial, à une reconnaissance personnelle devant la glace pour espérer qu'on se retourne sur mon passage. En somme, séduire sans faire exprès, tout en le voulant un peu. Puis j'ai eu ce premier mec, quelques temps après. Le premier, qu'on surnomme "mon ange" pour entrer dans la norme, et avec lequel on échange des paroles niaises, de visu comme par texto. Puis le deuxième, plus âgé. Puis le troisième, encore plus âgé. Et ainsi de suite. J'avais le sentiment d'être quelqu'un d'autre, de conquérir le monde, mon alliée couchée sur le front ; me sentant pute à frange parfois, j'exposais les Vans et les trous du jean pour fausser l'image et garder l'honneur (car la frange à la Kate Moss, ça énerve.)
Bref, avec le recul, c'était pour moi un fait : c'était à ma frange que je devais le début de ma sex life.

Comment s'en séparer, après ça. Cette frange, c'est le rideau tiré sur une partie de ma vie, où la copine est toujours plus belle et où le mec est toujours ton pote. Le lever reviendrait à retourner en arrière, à bafouer ce nouveau moi qui a plu durant ces années, qui m'aura valu des verres offerts et des regards appuyés. Sans cette frange, je ne peux plus danser devant tout le monde, parler fort et faire rire l'assemblée, vanner tout ce qui bouge ou fixer ce gars dans l'amphi ; sans la frange, je ne vaux plus rien, sinon cette nana timide qui se cache derrière les autres pour se faire accepter, attendant patiemment la parole qu'on ne lui donnera jamais.

Il s'agit donc d'une histoire de complexes, de vilaines idées solidement ancrées dans la tête, celles-là même qui germent à treize ans à cause d'un râteau, et qui se développent plus tard quand on ne reçoit plus de textos. C'est comme une bête, une tique qui s'accroche et qu'on a du mal à enlever. Mais comme on vit bien mieux sans parasite, je tente de me raisonner, de faire le point sur mes idées reçues, et de me voir autrement.

Salle de bain. Miroir. Je regarde, j'analyse, j'attends.

Puis la brosse en main, je tente de coiffer. Sur le côté ? En arrière ? Comme ça, là ? BORDEL.

Mes tentatives sont aussi vaines les unes que les autres. Rapidement et non sans humeur, je me recoiffe comme d'habitude, et ressors de là avec cette malheureuse conviction : une seule coupe est faite pour moi. Je me vois déjà vieillir avec la frange, cacher mes rides avec et retrouver le même visage sans évolution sur les photos souvenirs. L'angoisse. Quand les copines passent du carré court aux rajouts ultra longs, je devrais attendre la ménopause derrière des tiffs inchangés ?

Et cette fois, je décide que non. J'ai assez bavé sur des photos d'Avril Lavigne pour savoir qu'une mèche plus longue et de côté peut être très charmant. A treize ans je m'habillais comme elle ; cravate sur débardeur, clous aux poignets et skate sous la godasse. A dix-neuf, je peux bien essayer sa coupe. Il n'est pas dit que ça me siéra à la bouille ni que que je l'aurai longtemps. A vrai dire, il est fort probable que s'ensuive un rapide retour à la frange départ. Alors à quoi bon, me direz-vous, faire de la parlote sur quelque tribulation capillaire quand le premier changement en quatre ans ne sera qu'éphémère ? Ben, c'est que pour l'instant, c'est le gros dilemme. Dans la tête d'une meuf, c'est une décision monumentale, qui nécessite de la réflexion, de la patience. Et les tiffs, ils poussent, pendant ce temps.

Certains diront qu'il ne s'agit que de cheveux, d'un truc un peu poussé de gonzesse, sans importance ni valeur transcendantes. Peut-être ; n'empêche que sans eux, je ferais dès lors la queue pour entrer au couvent.

Et ça la fout mal, en tant que blondasse, les gens.

2 commentaires:

  1. Oh. Tu vas donc tenter une coiffure sans frange, c'est bien ça ? J'encourage. Et comme tu dis, si jamais ça ne va pas, tu peux toujours y revenir. Ce n'est pas comme si tu te coupais les cheveux courts et qu'un retour au cheveux longs était impossible.
    J'ai aimé te lire en tout cas. Sympa l'article.

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  2. Ton encouragement sera des plus essentiels ; la phase capillaire intermédiaire me gonfle déjà, je suis à deux doigts de refaire the frange. Toute une histoire.
    Merci autrement ;)

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