mercredi 31 août 2011

La poule aux cent coqs

Il y a un truc qui m'a chiffonnée, récemment. Un phénomène mixte plutôt répandu, pour ne pas dire mondialement subi par toutes les personnes qui comme moi font la part des choses en s'imposant des limites. C'est la cohabitation, au quotidien, avec ces gueules d'anges qui dans leurs relations cultivent l'ambiguïté. L'archétype du beau gosse en liberté, souvent tactile et aux clins d'œil répétés.

Et il se trouve, ô malheur, que j'en connais une.

Elle est facilement identifiable, a cette beauté assumée et ces petits détails qu'elle partage avec ses semblables. Premier critère : elle est célibataire – et ne s'en cache pas. Elle aime être entourée des hommes et ses contacts Facebook en regorgent. D'ailleurs, ils constituent la majorité de ses notifs. Ces types là sont plein d'espoir et tombent dans le panneau, et multiplient les smileys dans les commentaires pour mieux faire passer les sous-entendus. Et ces prétendants espèrent tous devenir l'élu. Elle, elle répond toujours dans leur sens avec trois petits points, voire trois petits « ♥ » pour les plus chanceux – et quand il y en a au moins un, le gars ne se sent plus.

Mais au final, rien ne se fait, elle reste dans le flou. S'installe un éternel jeu du chat et de la souris à les rendre fous.

A la fac, elle a peu d'amis sincères, mais les quelques gusses à côté d'elle en amphi sont tous à sa botte. Ils la dorlotent et lui offrent des cadeaux. Du paquet d'Haribo au bijou hors de prix, les plus directs l'invitent toujours à manger au resto. En soirée elle se fait servir des verres en jouant la prude enivrée malgré elle ; et avec les copines on l'insulte de pute. Elle n'est pas méchante et souvent même très sociable ; douce et attentionnée, elle sera la première à vous appeler « puce » et à vous ajouter sur le net. Derrière tant de faux semblants, on se prend à sourire en serrant les dents, avant de finir par lui trouver (presque) du charme, et nos insultes deviennent (presque) du vent.

Dans mon cas, ça n'a pas duré longtemps. Du fait que s'est produit le processus inverse, mon taux d'affection pour l'intéressée s'est vu rapidement chanceler. Et pour cause ; c'est avec mon ex, aujourd'hui, qu'elle flirte via le clavier. Mon taux de tolérance, lui, s'est totalement effondré.

Qu'on soit jeune, avec des hormones et des envies, c'est normal, je dis oui. Qu'on soit célibataire et libéré, oui j'adhère. A-t-on pour autant le droit de déambuler le derche en feu, c'est un autre concept. Si de mon côté je vomis au premier laid qui m'appelle, d'autres nanas n'auront aucune pudeur à clamer haut et fort leur célibat et leurs mœurs légères. Et je toise le machin, derrière ce sourire faux qui hurle ta gueule la mère maquerelle.

jeudi 25 août 2011

Andromède

Pas un bruit, pas un son qui ne froisse l'horizon, autre que ces flots qui se brisent et qui muent sur ma peau. Il y a sur la roche mon corps nu qui s'écorche, et dans le vent mes cheveux se mélangent et puis très vite s'embrassent. Une larme perle sous le cil qui frissonne. Ma beauté laissée pour morte, je suis Andromède, condamnée froidement pour avoir eu l'audace de naître. Puis vient l'orage qui gronde et l'éclair qui fait surface ; s'ensuit l'approche de la Bête, qui s'affame au rythme de sa nage. Elle a le croc pointu et le naseau qui saigne, l'œil qui foudroie et la griffe qui lacère. C'est comme une danse qui s'opère quand je l'évite une fois, puis deux ; un ballet funèbre avant le dernier acte. Je sens la fin qui s'élance vers moi quand l'animal s'étend ; mes courbes forcées l'affolent quand mon dos craque alors qu'il se creuse. C'est sous la dent divine que l'on s'apprête à m'éteindre, quand la lueur du jour reparaît : c'est Persée sur son cheval, qui survole les eaux brandissant son glaive. Le rayon de l'aube se reflète dans la lame, qui frappe quatre fois dans le flanc et épargne la tête ; la Bête s'endort faiblement et bientôt la Mer l'emporte. Il rejoint Poséidon son seigneur et les cieux m'ouvrent leurs portes, le doux matin guidant la monture du rédempteur.
L'aurore nous porte vers un nouveau rivage, où célébrer notre union deviendra toile sous la main de l'artiste ; car il n'y a que lui pour retranscrire l'image et retracer mon histoire, le cœur un peu triste sur un fin paysage.
Roger délivrant Angélique, Ingres
Persée et Andromède, Leighton Frederic
Andromède, Jean-Jacques Henner
Andromède, Eugène Delacroix
Persée et Andromède, Van Loo
Persée et Andromède, Titien
Andromède, Gustave Doré
Persée et Andromède, François Lemoyne
Andromède, Giuseppe Cesari
Persée et Andromède, Guido Reni
Andromède, Moreau
Persée délivrant Andromède, Véronèse
Persée secourant Andromède, Joachim Wtewael

mercredi 24 août 2011

Belphégor déserte

Mais moi je suis aux anges. Déçue que la salle égyptienne du livre des morts soit fermée, je n'en profite pas moins des autres qui renferment de vrais trésors. Pour le plaisir des yeux, quelques photos de mon parcours parmi la pierre et la toile auxquelles le génie artistique donna la vie et insuffla une âme.


samedi 20 août 2011

La timide


En retrouvant Corinne cette après-midi, j'ai retrouvé Paris.

J'ai retrouvé le bonheur d'un instant aux Tuileries, à laisser le Soleil jouer dans mes cheveux et la brise chaude effleurer ma peau ; peut-être était-ce l'inverse, le résultat reste inchangé. J'ai redécouvert ces allées fleuries que j'estimais pauvres, j'ai pris le temps de regarder. J'ai observé ces bateaux dans la fontaine, que des enfants poussaient avec des bâtons, j'ai pris le temps de découvrir des visages apaisés. Moi aussi, j'ai eu envie de prendre un voilier et de m'asseoir au bord en le regardant flotter. J'y aurais vu une nouvelle vie où avoir peur est interdit, où l'on se laisse voguer sans craindre de tomber. Quand nous nous sommes levées, j'ai ressenti ce besoin de faire demi-tour, sans pour autant me retourner. Je reviendrai, et bien assez vite.
Direction la place des Vosges, ensuite. Car on peut marcher sur l'herbe et s'y reposer. Il y a cette terrasse où nous sommes allées ; rapidement, des gens ont occupé des places à nos côtés. Belle surprise, ces inconnus nous ont souri. A quand remonte la dernière fois où la jeunesse se prouve son respect, son amitié, son amour ? En un sourire, j'ai entrevu l'espoir d'une grande entente, de belles rencontres à venir et de nouveaux visages à rêver. La certitude que ça peut toujours marcher. La serveuse était rayonnante, son collègue fort charmant ; et tout ce beau monde se connaissait. Ça riait et ça s'embrassait. J'ai souhaité moi aussi, les prendre dans mes bras. Leur dire merci pour cette image, cette authenticité, cette preuve si rare que la vie reste simple.
En retrouvant Corinne cette après-midi, j'ai retrouvé Paris. Pas celle dont les murs sont gris sous la pluie, ni celle qui sent mauvais, qui fait du bruit, qui piétinent nos rêves en offrant l'impossible. J'y ai vu la ville timide, sous le Soleil, qui ne s'offre qu'à ceux qui savent attendre pour mieux regarder.
Crédits photo : * & *Lien

jeudi 18 août 2011

IV

J'ai souvent souhaité vous arracher la langue. La manger, en la mastiquant bien. Et vous entendre hurler encore, pour la récupérer. J'ai souvent songé vous lacérer les joues ; faire rougir mes ongles, rendre ma peau plus terne ; que mes mains puissent protester, enfin.
Chacun son tour.
J'ai souvent rêvé que je brûlais vos cheveux, que je distillais vos yeux, pour purifier les miens. J'ai souvent voulu vous piétiner, me repaître de vos vaines consistances ; et surtout de cette graisse qui m'aveuglait, tant elle suait sur ma nature, et sur ma beauté. Qui parle d'être modeste ? Diable, clamons les belles vérités.
Vite, qu'on me fasse la cour.
J'ai souvent ri de vous, dès la nuit tombée ; rageant dans mon lit, contre vos faces dans mes pensées. Vous êtes laids, et vous le saurez. Votre âme est sombre et mon cœur en a pleuré. De biens vils enfants que voilà ; vous me le paierez.
Vite, qu'on me fasse l'amour.
J'ai souvent pensé vous violer les sens ; puis vous abreuver des miens. Le reste demeure un calvaire, hydrate ma peau souillée – le calcaire. Il serait fort bon de vous étouffer, me vider sur vous de mon lait chaud et empoisonné.
Chacun son tour.
J'ai souvent attendu qu'on approuve mes paroles, douces catins enjolivant mon destin. Mais rien à faire, je me retiens. A mort cette traître compassion qui gâche mes pieux desseins !
J'enrage dans mon coin, vous savez. Car j'ai souvent prié le hasard de me venger de vous.

mardi 16 août 2011

Léthargie

On dirait que le Soleil tend les bras à la jeune pousse sur ma fenêtre. Il participe à sa souplesse, embrasse les épines qui ne laissent pas de place ; touche le cœur de ce qui finira par jaunir un jour. Le rose de mes joues y est semblable, mais ne se rattache à aucune lumière. J'apprends en regardant l'autre qui traverse. J'apprends en contemplant l'autre qui converse. Je fais tout comme l'autre qui se blesse. Il pourrait toucher le fond, je le suivrais encore. A mesure que le temps passe, mon âme se nourrit de ce que les autres rêvassent. Pourquoi le vide s'est-il donc épris de moi ? J'attends lentement, mais la patience vite se perd ; je voudrais m'aimer, moi seule par chaque recoin et même à l'envers ; trouver la force de me montrer, déshabiller ce corps et exhiber l'âme, la dévoiler et la faire boire à l'ivrogne du quartier. Je veux trinquer à ma santé, entendre dire que je suis l'exemple, qu'on m'observe et qu'on m'étudie. Qu'on apprenne à regarder ce que je cherche en vain ; ma personnalité se cache, elle se terre au fin fond de mon sein. Je tourne en rond au cœur de ma propre querelle, car j'imite l'actrice en petite dentelle ; je fais comme l'amie qui sourit, comme l'amie qui est belle. La caricature de ce moi qui s'oublie pour se changer en reflet donne la nausée à ce qui reste de ma naissance, du tout de mon essence. J'en ai assez de hurler contre ma bouche, je veux trouver ma voix propre qui chante sous la douche ; et rincer la sueur de tous ces goûts impropres. Comment participer au cycle des choses, apporter ma touche personnelle, un semblant de lueur dans leurs yeux blasés ? Les miens sont trop éteints, mais je les ouvre, pour qu'ils avalent. Mais je recrache peu à peu la graisse étrangère ; je vais dormir, car il est l'heure de se taire.

Photo par Sonia Szostak